C'était un midi de vacances. Le soleil réchauffait de vieilles pierres cévenoles, le déjeuner était joyeux. C'était du temps de Nicolas Sarkozy, il y a quinze jours. Le jeu consistait à goûter, en mangeant de délicieux poulets à chair jaune, des rosés de dégustation. Presque à l'aveugle, sans savoir d'où ils venaient. Parler le plus spontanément possible. Mais le premier n'a laissé que des regards vides autour de la table. Quelqu'un a juste dit : «Il est désaltérant, mais on sait pas quoi dire.» Alors on est passés au second. «C'est Anaïs Anaïs, de Cacharel ! s'est exclamée l'une des convives. Ça sent la jeune fille en fleur !» Elle n'en démordait pas, tout le monde essayait de comprendre. «Tu veux dire qu'il y a des notes florales, juvéniles ?» Puis quelqu'un d'autre a dit : «J'ai l'impression de lécher la barre du tire-fesses quand il fait froid au ski.» Bref silence interloqué. Une fille : «Mais ta langue peut rester collée, c'est dangereux…» Lui : «T'as jamais essayé ?» Elle : «Si, mais quand il fait pas trop froid.» Un nuage cotonneux chassait un instant la chaleur.
On a servi le troisième et, déjà en versant, on a senti qu'il se passait quelque chose. «On dirait la couleur d'un vieux bourgogne !» C'était bien vu. Un vin tuilé, un pinot noir, comme les deux précédents, car, depuis le début du repas, on goûtait des rosés des Riceys, vieille appellation (1947) méconnue. Des vins tranquilles (n