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Les mémoriaux en quête des sens

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Passé. Fini la grandiloquence. Les monuments cherchent désormais à susciter des émotions et à marquer le visiteur par leur seul pouvoir d’évocation d’un drame.
publié le 24 juin 2012 à 19h06

Le spectacle de la ville se fait plus subtil à mesure qu’y fleurit une nouvelle génération de mémoriaux - monuments commémoratifs avec ou sans fonction muséale - qui offrent des expériences sensibles et symboliques d’une sophistication croissante. Nantes vient de dédier à l’abolition de l’esclavage un monument… invisible. New York, pour l’inscrire dans la ville, a creusé le traumatisme du 11 septembre 2001 jusque dans son sol. Berlin, depuis 2005, évoque les victimes de la Shoah en perdant le piéton dans un dédale de singuliers monolithes. Finies les érections d’édifices monumentaux, écrasants : l’horizontal se substitue au vertical, l’expérience sensible à l’allégorie, l’évocation latérale au spectaculaire et au démonstratif. Les mémoriaux changent parce que nous-mêmes changeons : sur la piste du souvenir, nous sommes des caravaniers capables d’éprouver des émotions plus nuancées, de participer à des jeux de mémoire plus complexes.

«Une Expérience». Inscrire la mémoire dans la pierre n'est certes pas une préoccupation nouvelle. Dans chaque commune de France, les monuments aux morts tentent d'entretenir le souvenir des sacrifices des deux guerres. L'apothéose de ce genre classique est l'incroyable - et pourtant méconnu, du moins en ce qui concerne les Français - Mémorial de Thiepval, dans la Somme. Du haut d'une colline, cet édifice à la fois imposant et aérien domine les champs de bataille où des dizaines de milliers de Britanniques ont perdu la vie en 1916.