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Libération
[La route du ravioli 3/6]

Le khinkali ne fait pas un pli

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Délicate alliance de pâte, de viande et de bouillon, les Géorgiens sont fiers de leur remède contre la gueule de bois.
A Tbilissi, les sakhinklés sont des restaurants spécialisés dans les khinkalis dont on s'arrache les bonnes adresses. (Photo Lionel Charrier. Myop pour Libération)
publié le 23 juillet 2012 à 19h07

Tout est dans la première bouchée. Si elle est quelconque, c’est la promesse d’un ventre rassasié. Mais si elle est bonne ! Alors, c’est la promesse d’une vie meilleure : l’œil s’allume, le cœur bat plus fort lorsque le jus de la viande coule dans la gorge. C’est sûr, si Adam n’avait pas croqué la vie à pleines dents dans une pomme, il l’aurait fait dans un khinkali.

Ce gros ravioli géorgien est né quelque part dans les hauts alpages du Caucase, où Prométhée fut enchaîné par Héphaïstos pour le punir d’avoir donné le feu aux hommes. Inventèrent-ils le khinkali à son image, pétrissant la farine et l’eau comme Prométhée les avait moulés, à partir de poussière d’argile ? Ovide comme Hésiode se taisent là-dessus. Ce qui est sûr, c’est que la forme du khinkali indique le chemin à prendre pour remonter à sa source : celui des montagnes.

Carvi. Car, si le pelmeni russe est à l'origine un plat de trappeur, en Géorgie, le khinkali appartient aux bergers. Dans les gorges sauvages de Khevsourétie ou les hauts plateaux de Touchétie, cela fait des siècles qu'ils partent pour la transhumance, un sac de farine sur le dos. Pour la farce, un mouton fait l'affaire ; la viande est hachée grossièrement au kinjal, un poignard caucasien. On y ajoute un peu d'eau, pour le bouillon, et de sarriette ou de carvi des montagnes, pour leur parfum enivrant.

Il faut avouer que de tous les raviolis, c’est celui qui autorise et suscite la plus intense dévotion. Synthèse unique de la pâte, de la