Photo Emmanuel Pierrot. Agence VU (http://www.emmanuelpierrot.com/)

Par un soir d’été, on est venu au pays du reblochon fermier, à l’est d’Annecy (Haute-Savoie). La montagne ressemble tant à une grosse mâchoire dentelée que l’on dirait celle d’une abondance, d’une tarine ou d’une montbéliarde qui font le lait cru de ce fromage (AOC depuis 1958) à la croûte jaune orangé et à la pâte ivoire qui nous régale quand il débarque sur un plateau de maison gourmande. Le soleil déclinant caresse le sommet de la Tournette (2 351 mètres). Au tournant d’un chemin, on tombe sur un torrent - vaillant pour un mitan d’été - et une grange de planches sombres rafistolée avec des tôles rouillées. Il y a du linge qui sèche au-dessus des géraniums sauvages et le bruit des cloches au cou des vaches qui s’en reviennent de la traite. L’air sent l’odeur un peu écœurante du regain fraîchement coupé et sagement rassemblé en andains. Derrière un murger, on découvre un rêve de potager. Soit quatre haies de branches tressées, mangées par d’insolents framboisiers clôturant un carré baroque planté de haricots, d’oignons, de bettes et de tomates.

Frimas. C'est peu dire qu'ici, dans le berceau du reblochon, on se croirait dans une montagne-jardin, tant les hommes et les bêtes s'emploient à cultiver l'horizon du fond des vallées jusqu'aux pelouses alpines. L'altitude et la pente limitant les productions agricoles et la mécanisation des cultures, il leur faut tirer