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Libération

Mort sur le gril

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Tu mitonnes. Chaque vendredi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, un crime entre fromage et dessert.
(Photo Emmanuel Pierrot. Vu (emmanuelpierrot.com))
publié le 20 septembre 2012 à 20h06

Photo Emmanuel Pierrot. Vu (emmanuelpierrot.com)

Sûr que cette histoire, je m’en souviendrai toujours, jusqu’à mon dernier souffle. Dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans. Comme si c’était hier. Pensez donc, un crime devant vos yeux !

C’était un matin tôt, 8 h 30. Du moins tôt pour le chaland. Parce qu’à cette heure-là, mis à part quelques petits vieux et le placier, il n’y a pas grand monde au marché. J’étais en train de finir d’arranger mes fromages de chèvre. C’est qu’ils ont du succès, que du bon, du fermier, du lait cru. Des jolis crottins, des cendrés, des bûches, des frais qui fondent sur la baguette au levain, des mi-mûrs langoureux en bouche et des vieux rebelles au temps que l’on caresse de la lame de son Opinel ou de son Laguiole. D’habitude, après avoir arrangé ma vitrine comme une jolie mariée, je vais petit-déjeuner sur le comptoir d’Alberto, pendant que Lucette, ma voisine de marché qui fait dans la volaille, me garde mon banc. Je lui prends un morceau de son divin confit de foies de volailles, j’achète une baguette chez le Mimi et je vais me poser un petit quart d’heure près d’Alberto, qui me sert un bol de café brûlant.

Liquide. Dans son p'tit rade, Alberto, c'est le griot du marché. Il sait tout, il entend tout. Il te repère un escroc marchand de mort subite avant même qu'il ait déballé. A l'inverse, il te dira tout de suite les belles affaires du jour : l'araignée chez le tripier, les premières rates chez le primeur… Il fait aussi ma pub