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Libération

A Fleurie, cerise noire, rose, cuir et tabac

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publié le 11 octobre 2012 à 19h06

La première fois déjà, cela m’avait frappé. Julie Balagny venait de mettre en bouteille son premier millésime et j’étais allé la voir, c’était en 2009, pour la première chronique de «Parlons crus». Nous avions d’abord discuté chez elle, en se vouvoyant, puis elle m’avait conduit à sa vigne, petit paradis travaillé à la pioche. Et là, elle s’était mise à tutoyer. Ensuite nous étions rentrés déguster, et elle avait repris son vouvoiement. Je suis retourné la voir en juillet, parce que nous préparions un supplément sur les femmes et le vin. Nous avons déjeuné dans un restaurant de Fleurie. Elle racontait un monde très masculin, des collègues aux exportateurs, en passant par les techniciens et les vendeurs de matériel. En me vouvoyant toujours, avec une distance que je rapprochai de son comportement dans le monde du vin : chercher une légitimité par son travail, la qualité de son vin, pas en misant sur son statut de femme vigneronne.

Puis nous sommes partis à la vigne. Moins de 4 hectares à l’écart du village. Il faut traverser un bois, le chien jappait à l’arrière. En conduisant, Julie m’a raconté cette fois où, sur ce chemin, elle s’était retrouvée face à un circaète Jean-le-Blanc, rapace qui avait plongé, ailes repliées, avant de les déployer. Il tenait dans son bec une énorme couleuvre. Puis le chemin a débouché sur sa vigne. Elle avait changé. Un peu moins de pierres dans les rangs, moins de ceps de travers. Beaucoup de travail, beaucoup plus de vie. Julie Balagny fait parti