J'étais parti tôt le matin, laissant dans les brumes aveyronnaises une maison endormie. Arrivé chez Didier Barral, vigneron en Faugères, nous avions commencé par aller voir ses bêtes, qui nourrissent la famille et la terre (Libération de vendredi dernier). Nous approchions des vignes, avec l'idée de comprendre comment on fait du vin dans ce coin du Languedoc au sous-sol si pauvre. Ici le schiste affleure, recouvert d'un peu de terre trop acide. Pour y remédier, certains la saupoudrent de chaux, qui fait baisser l'acidité. Justement, une silhouette au loin semait la poudre blanche dans sa vigne. Mais la chaux agit quelques années, booste le sous-sol, avant de le laisser plus pauvre encore et plus acide. A quel horizon travaille-t-on ? La question se pose au paysan aussi bien qu'à l'entrepreneur. Faut-il sauver sa récolte ou son sol ? «Si tu chaules ta terre, tes enfants seront pauvres» : un vieux dicton du coin rapporté par Didier Barral.
Sa famille était assez riche, au XIXe siècle. Puis un arrière arrière arrière grand-père éleveur est un jour descendu à Béziers vendre son troupeau. Il s'est fait assassiner au retour. La famille a vécu plus chichement, de polyculture et d'élevage. En 1993, Didier et son frère Jean-Luc ont sorti les raisins de la coopérative, pour vinifier. Il a fallu apprendre vite. En 1995, la sécheresse a montré qu'il fallait se protéger du soleil autant que s'en nourrir. Didier a privilégié des cépages tardifs, qui mûrissent u