Menu
Libération

Trot bon

Article réservé aux abonnés
L'Europe à cheval sur sa viandedossier
Dossiers liés
Tu mitonnes. Chaque vendredi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, une lettre à mon cheval déprimé par le minerai.
(Photo Emmanuel Pierrot)
publié le 21 février 2013 à 19h16

Photo Emmanuel Pierrot (emmanuelpierrot.com)

Holà vieille carne, faut qu’on te cause. Comme ça fait au moins deux semaines que tu nous fais la gueule au fond de ton pré, on va mettre les choses au point : on n’y est pour rien, nous, dans cette histoire de lasagnes farcies au bourrin. D’ailleurs nous, les lasagnes, c’est pas notre dada. Rapport à la béchamel qu’on y met, ce plâtras œdipien qui nous a gâché les papilles durant l’enfance et que, rien que pour cette raison, on aurait dû abaisser l’âge de la majorité pour s’affranchir de la dictature de la béchamel. Alors te bile pas, t’as aucune raison de finir dans le grand hachoir de la malbouffe avec tes collègues roumains et sud-américains, noyé dans un brouet infâme où l’on perdra ta trace et où tu deviendras tellement méconnaissable que l’on pourra te faire passer pour du bœuf entre deux plaques de pâte industrielle.

Cotons-tiges. Pourtant, faut qu'on te raconte, mon vieux canasson. Quand on s'est connu, t'étais plus près de l'abattoir que du paddock. Tiens, c'était un jour comme aujourd'hui. Brouillard et givre qu'on poussait devant nous dans le phare de la BM en allant au turbin. Au virage de la Combe aux renards, on a bien vu qu'il y avait une silhouette de cheval planquée dans la brume du pré du père Zappa. C'est pas un endroit à manger un sac d'avoine cette pâture-là. C'est l'antichambre de la grande faucheuse :le père Zap