J’avais 8 ans la première fois que je suis monté au braquage. C’était un jour d’hiver en rentrant de l’école. Un vendredi d’avant les vacances scolaires. A l’époque, j’étais toujours fourré avec Bernardo, un petit brun avec des cheveux de jais. Un drôle d’attelage qu’on était, moi le taiseux mais qui n’avait pas froid aux yeux, lui, le bavard mais qui était franchement froussard. Assis sur le banc à la communale ; attablé à la même gamelle à la cantine ; et faisant toujours la paire sur les chemins buissonniers. Jusqu’à ce foutu mardi où nous sommes devenus cothurnes d’infortune.
En sortant de l'école, on passait devant l'épicerie du père Mangin. C'était le Pérou, cette taule-là. Pensez donc, il avait lancé le premier libre-service du quartier. On prenait un panier et on pouvait se promener parmi les boîtes de choucroute, les paquets de café et les pots de Nutella. Un régal. Sauf que le père Mangin, il nous fliquait comme un maton quand on investissait son antre. Il aurait pas fallu qu'on lui fauche un Carambar. Alors le jour de la couille qui suit, on était juste devant la turne qui semblait déserte. Avec Bernardo et nos cerveaux de fromage blanc, on s'est dit que le taulier avait dû aller changer le poisson d'eau. «T'as vu les oranges ?» qu'il a dit Bernardo en désignant les sanguines et les maltaises exposées sur un présentoir adossé à la vitrine. Moi, c'est le papier de soie enveloppant certains agrumes qui m'a hypnotisé. Je n'ai pas senti ma main gauche s'empara