L'autre jour, il pleuvait sur Marseille. J'allais à La Remise, joli salon des vins, mais en sifflotant le Chagrin d'Allain Leprest : «Connais-tu l'herbe amère, le liseron, la plante. Toute noire et très belle enroulée dans la gorge ?» Soudain, cela me semblait sinistre, tous ces vignerons flanqués là, derrière leur tonneau, avec des gens qui passent, se succèdent, goûtent et crachent. Bref, il fallait essayer de recracher «cet animal familier, ce chien que tu traînes dans les couloirs et les vieux escaliers du corps»…
Renaud Hock était d'une bonne humeur insolente. Pas facile devant des clients de parler de son travail sans poser. Les vignerons savent très bien le poids des mots, des belles histoires, qui enrichissent leurs vins. Celui-là semblait raconter la sienne sans arrière-pensée. Il avait un blanc délicieux. Un macabeu, cépage floral, iodé, doté chez lui d'une belle acidité soutenant une cuvée pleine de gras. Le garçon avait la mâchoire carrée, le regard franc. Il est Belge. Avec sa femme, Aline, ils ont travaillé quinze ans dans la banque luxembourgeoise puis sont venus en 2007 décompresser dans les Pyrénées-Orientales. Ils ont visité un vigneron, Lucien Salini, de la vallée de l'Agly. «Quand on est ressortis, raconte Renaud, on était un peu avinés et Aline m'a dit : "C'est ça que je veux faire." Je lui ai répondu :"Ben voyons !"» Mais l'épouse avait compris qu'il était possible de faire du vin «avec peu de mo