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Libération

La cuvée «910» comme au temps de Cluny

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publié le 9 mai 2013 à 19h06

Je repensais aux rendez-vous avec François Defaye, ces dernières années. Petit éditeur bordelais, très artisan, il aimait la bonne chère, le bon vin, la BD et la presse écrite. Coprésident de la Société des lecteurs de Libération, il faisait partie de ceux venus voilà quelques années aider le journal, lorsque l'embarcation menaçait de couler. Nous nous retrouvions parfois à Paris, souvent dans des petits bars à vins. Ne buvions finalement que trois cépages. Un petit chardonnay bourguignon à l'apéritif, avant de manger sur un rouge léger, gamay ou pinot noir.

Je repensais à cela l'autre soir, parce que François était parti quelques jours plus tôt, lorsque les petits cœurs de canard poêlés sont arrivés dans l'assiette. Lætitia a rempli le verre en disant : «Goûte ça.» J'ai obéi. Le vin était d'une couleur pâle, d'un rubis transparent. Le nez était discret, légèrement poivré, la bouche un régal de fraise, de framboise, d'épices douces, de poivre. Cela m'évoquait un joli pineau d'aunis, ou un gamay très fin. Ou encore ces pinots noirs que l'on trouve en Auvergne. C'était un mâcon-cruzille, cuvée «910», de Julien Guillot.

Le grand-père avait fait son droit à Paris, fréquenté le quartier latin, puis la guerre et une longue captivité lui avaient laissé de sérieuses allergies, qui se révéleront salvatrices. Il se retrouve à Mâcon après guerre, clerc de notaire, chargé d’expertiser des maisons, des propriétés viticoles. Il fait cela très consciencieusement, en buvant