Cela faisait des heures qu’il avait quitté la ferme auvergnate, au volant de la 204 qui n’avançait pas. Fichue idée. Après l’enterrement du grand-père, les autres s’étaient réparti des meubles, des objets. Au départ, l’idée de récupérer le bureau lui plaisait, mais un cousin le voulait, il n’avait pas osé insister, et était reparti au volant de la Peugeot. Il aurait dû se douter qu’il y avait un loup puisque personne n’en voulait. Le grand-père l’avait achetée dans les années 60, du temps où il était boucher à Lyon, avant d’aller prendre sa retraite en Auvergne, de crever la dalle avec la grand-mère. La 204 devait être tout ce qui lui restait de la ville. Il paraît qu’elle dormait depuis des années sous le toit du hangar ouvert, sous une bâche. Une fenêtre avait dû rester ouverte et des chats se faufiler là-dedans car ça sentait rudement l’ammoniaque.
L'homme ouvrait régulièrement la vitre, un froid pinçant prenait la voiture, qui toussait. Fichue carburation. Le moteur étouffait dès qu'il accélérait, puis chauffait dans les côtes, l'obligeant à s'arrêter régulièrement sur le bas-côté. Il tournait la clé, puis les charbons du démarreur se collaient et il ne pouvait plus repartir. Il fallait sortir une petite barre de fer du coffre, un petit marteau, ouvrir le capot et taper jusqu'à ce que les charbons desserrent leur étreinte. Au moins ils se tenaient chaud. Il se gelait en tapant dans le noir. Il avait enfilé les gants de peau du grand-père, trouvés dans la boîte à gants, ma