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Libération

Reflets du passé dans un verre de morgon

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publié le 16 mai 2013 à 20h26

C’était en été. J’étais passé voir un ami, Tati, dans sa ferme bretonne, et la voiture avait eu la très bonne idée de tomber en carafe. Le garagiste le plus proche demandait quelques jours pour réparer, la requête lui avait été accordée, nous n’avions pas le choix. Tati, c’est son surnom, installait alors de grandes verrières sur son toit, pour éclairer l’atelier où il peignait. Le deal était assez simple. Je l’aidais toute la journée, il s’occupait du repas et des vins le soir. Comme il n’est pas trop manchot aux fourneaux, pas maladroit sur la bouteille, je ne perdais pas au change, pardi.

Un soir, alors qu’il pleuvait comme cela arrive parfois en Bretagne, il a fait un feu dans la cheminée pour y cuire une belle côte de bœuf. On a pris l’apéro, cela sentait si bon que j’avais l’impression de ressembler à un chien salivant devant son os. Puis Tati est allé chercher pour le dîner un morgon «côte du Py» de Jean Foillard. Je ne connaissais alors pas trop le beaujolais. Je savais que c’était en dessous de la Bourgogne, et même très en dessous dans mon imaginaire. Des années de beaujolais nouveau avaient fait des ravages, pour la région et dans mon tube digestif. J’ai appris depuis qu’il existe des primeurs délicieux, quand on ne les noie pas dans les levures sélectionnées et dans des doses de soufre qui vous assomment un bœuf.

Revenons justement à la côte. Elle était prête, la bouteille débouchée, j’ai découvert un régal de vin plein de fruit, de chair. La soirée fut un vrai dél