L’autre jour, j’étais de passage dans le Beaujolais pour une affaire pressante : on m’avait parlé d’une famille qui faisait depuis peu du bon vin. La cuvée s’appelait «P’tit Jean», la famille Nicolosi. Sur la route, j’étais de bonne humeur, car leur ferme du Rolland est située au col de la Sibérie. Il faut traverser les collines du Beaujolais en direction de Charolles et, en roulant, je repensais à ce matin où j’avais rendu visite pour la première fois à Henri Anglade (80 ans cette année). Un champion cycliste qui avait fini deuxième du Tour de France 1959, devant Jacques Anquetil. Il partageait sa retraite entre Lyon et sa fermette à flanc de colline, au milieu d’une petite clairière, dans une vaste forêt de sapins.
J’étais arrivé assez tôt et nous avions discuté un bon moment, assis sur un petit banc adossé à sa ferme. Il me racontait l’exode, qui avait poussé ses parents de l’Est jusqu’à Lyon. La bicyclette de 26 kilos qui avait révélé son talent. Le Tour de France 1962, où il avait demandé à un motard de filer vers Charolles, demander à un cousin de lui préparer une omelette, qu’il avait attrapée au passage, pour la manger dans le peloton. La matinée s’achevant, Anglade avait décrété qu’il était temps de boire un coup de Beaujolais.
Les Nicolosi habitent au milieu d’une forêt semblable. Une ferme superbe, carrée, lovée dans un creux tout en haut du col. Nicole était éleveuse dans la Loire. Carmelo, son mari, petit, trapu, d’origine sicilienne, était patron d’une petite boî