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Mozza fucker

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Tu mitonnes !dossier
Tu mitonnes ! Chaque vendredi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, éducation culinaire pour amateurs de boutons de manchettes.
publié le 4 juillet 2013 à 20h26

Quand il a débarqué l’autre soir dans notre mastroquet, on s’est dit qu’il allait y avoir du débat avec le gonze, ça se reniflait rien qu’à sa dégaine. C’est pas qu’il était fagoté comme l’as de pique. Non, il était plutôt soigné et lisse. Le genre chemise claire, bénard sombre, pompes assorties et veste sur l’épaule. Mais bon, allez savoir pourquoi, il y avait un truc qui clochait chez ce mec. Et on avait beau le mater sous toutes les coutures, depuis le zinc et les fourneaux, on n’arrivait pas à piger l’embrouille.

C’est quand il a levé la main droite pour siroter son Perrier rondelle qu’on a pigé. Le gars avait des boutons de manchettes. C’est pas qu’on a quelque chose contre les colifichets pour mâle, mais là, ça collait pas avec nos plats du jour. Parce que les boutons de manchettes, nous, ça nous rappelle un avorton qu’était venu dégoiser sur notre bourguignon, un soir de grand vent. Il avait fini désossé sur le trottoir mais était allé se plaindre à la maréchaussée en maraude qu’on lui avait fricassé le plat de côtes et émincé les boutons de manchettes. Ça nous avait valu un cours de violon et une explication de gravure au poste. Alors c’est pas qu’on soit superstitieux, mais désormais, quand on voit débarquer ce genre de blaireau et qu’il nous demande à béqueter, on fait dans la pédagogie plutôt que dans l’attendrissement des viandes.

Martiens. Là, il est en train de reluquer notre menu comme s'il venait de découvrir l'écriture cun