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Libération

Racines et pigeon, la bonne équation

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publié le 4 octobre 2013 à 18h16

La journée s’achevait sur une furieuse envie de manger un morceau tranquillement avant de se coucher, prendre un bon livre qui n’aurait rien à voir avec le travail. Mais soudain, j’ai appris que les Buvards, petit bar à vin marseillais déjà évoqué dans cette chronique, préparait du pigeon rôti. Ce n’est pas très loyal. Comment résister ? Je ferais n’importe quoi pour manger du pigeon. Ce n’est pourtant pas simple à cuisiner, les filets deviennent vite secs. Jusqu’à l’autre soir, je n’avais que deux vrais beaux souvenirs de pigeon. Un soir à Dakar, la bête était farcie et je l’étais aussi, après un retour éreintant du Mali. Je m’étais couché béat. Puis, à l’auberge du Vieux Puits, dans les Corbières. Le chef, Gilles Goujon, qui a perdu son père enfant, m’avait raconté l’émotion qui l’avait submergé en découvrant le Maroc, pays où ses parents s’étaient aimés. Les larmes n’étaient pas loin, à table, devant le filet saignant et sa petite pastilla d’abats.

Les deux souvenirs exotiques remontaient alors que je descendais aux Buvards, réveillé et joyeux. Le taulier avait récupéré de gros pigeons, rôtis puis flambés, et les servait sur une sauce au vin réduite, aux arômes de baies de genièvre. Des petites marmites contenaient l’automne : champignons, petites pommes de terre rondes, grains de raisin… Il fallait un vin à la hauteur, qui goûte bien, ce qui n’est pas souvent le cas en période de vendanges. Les jus semblent alors resserrés, moins épanouis. Comme si le raisin conservait le