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La palme au «Nutella maison»

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Tu mitonnes . Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, du chocolat à tartiner miellé et onctueux.
publié le 9 octobre 2013 à 19h36

Méfiez-vous des invisibles, des taiseux, des diaphanes, des timides, des autistes, des introvertis. Ils font un vacarme assourdissant quand ils disparaissent vraiment.

Le dernier spécimen en date s’appelle Mister Nutella. On l’avait surnommé ainsi à sa façon inimitable de déguster la crème au chocolat de chez Raymonde, yeux mi-clos, la cuillère en bouche, récurée jusqu’à l’ultime micron de gourmandise, tellement astiquée qu’on l’aurait dite passée au Mirror. En pareille circonstance, Mister Nutella manifestait une délicieuse culpabilité qu’on ne lui aurait pas connue à confesse ; plus transporté que dans les bras d’une artilleuse de garnison ; plus régressif qu’un veau sous la mère ; plus insouciant qu’un conscrit un soir de baluche. Il fallait le voir accroché à son ramequin, convoitant l’objet du délit comme une braise chaude un jour de grand vent, pour mesurer la singularité de cette parenthèse gourmande dans une existence qui nous apparaissait aussi morne qu’un vol de corbeaux sur Mourmelon. Parce que franchement, on ne lui connaissait pas d’autre abandon à Mister Nutella depuis qu’il avait débarqué chez Raymonde. Ce jour-là, il avait dû s’égarer parce qu’il faut le connaître ce rade, un peu en retrait de la grand-rue, où l’on rentre aussi discrètement que dans un claque pour piquer une tête dans le Ricard et s’éponger avec le plat du jour.

Mijoter. Mister Nutella est arrivé un lundi. On s'en souvient encore car c'est le jour du hachis