Ils ont passé trois ans dans l’intimité des autres. Onze sociologues se sont penchés sur la justice familiale en passant des journées entières dans quatre tribunaux de France. Au total, cent vingt-deux heures d’audience, 330 affaires : fixation de pension alimentaire, de la résidence des enfants, modification des droits de visite…
Des cas intimes, mais une «justice de masse», rapportent-ils. Rien d'étonnant : on se sépare de plus en plus et la norme, en France, est de passer devant le juge (quand la Grande-Bretagne fait d'avantage appel à la médiation). «En 2010, les 28 juges aux affaires familiales en poste dans les quatre juridictions enquêtées pour cet ouvrage ont eu à traiter 23 000 nouvelles affaires, soit une moyenne de 885 affaires par an et par juge à temps plein», témoignent les auteurs.
Face à l’afflux des demandes, la justice familiale s’est rationalisée. Standardisée, parfois. Les magistrats doivent respecter les nouveaux mots d’ordre de la justice familiale : priorité à «l’intérêt de l’enfant», importance de la «coparentalité» pour laisser une place au père, primauté du «consentement mutuel» en cas de séparation… mais aussi rendre des comptes, chiffrer leur activité en statistiques. Ils sont contraints d’effectuer un tri parmi les dossiers, au risque de pérenniser les inégalités entre les familles, comme au sein des couples. C’est le principal enseignement de cette vaste étude : la justice entérine les disparités entre hommes et femmes, entre ric