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Chez Audrey et Christian Binner, il faut savoir raisin (re)garder

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Tu mitonnes !dossier
publié le 31 janvier 2014 à 17h06

Le train cahotait sur la voie, vieille rame sortie d’une maison de retraite ferroviaire. Plongé dans un roman poussif, j’écoutais les voisins. Une femme faisait la morale à sa fille. Expliquait qu’à son âge, elle devrait faire preuve de maturité. La barrière des Vosges me donnait envie de sapins, de refuges. Les villages aux enduits de pâte d’amandes me rappelaient les douceurs alsaciennes, et le vin d’Audrey et Christian Binner.

De famille vigneronne depuis un peu plus de trois siècles, Christian soigne ses plantes par l’homéopathie, tisanes de prêle, d’ortie, de valériane, de pissenlit. Toutes choses qui font ricaner les pseudo-cartésiens. Ceux qui ne croient que ce qu’ils voient : les effets radicaux des traitements phytosanitaires. Comme de plus en plus de vignerons, Christian Binner s’intéresse à la vie de ses sols et de ses plantes, pas seulement à son vin.

L’autre jour, une muse m’avait orienté vers l’un de ses pinots noirs, cuvée Excellence 2003. Plus de dix ans pour un pinot noir sans soufre ? Le vin était incroyable de chair, de fruit, de vie, d’une matière gourmande. L’impression de croquer la griotte, et une tension imperceptible donnant de la droiture, de l’élégance, comme une discrète broche aux vertèbres.

Comment obtient-on cela dans une année aussi chaude que 2003 ? Trop souvent, selon Christian Binner, on choisit sa date de récolte en se fiant à des taux de sucre, d'acidité, des conseils de labos. Lui préfère goûter, regarder. L'épaisseur des peaux. Le pépin qu