Le train arrivait très tard à Marseille, j’étais attendu pour dîner, mais il y a des rituels à respecter. Débarquant à Saint-Charles, avant de m’engouffrer dans le métro, il me faut sortir sur l’esplanade et contempler la ville, essayer de retrouver le goût de la première fois, il y a très longtemps, quand Marseille m’était tombée dessus, m’avait écrasé de sa chaleur, m’avait tout de suite captivé. Cette fois, la nuit était posée en équilibre sur les lumières de la ville, la rumeur montait du boulevard tiède. Les troquets étaient pleins, des hommes sirotaient des cafés en terrasse, c’était encore l’hiver.
Fred a suivi de plus ou moins loin la crise à Libé et il a posé sur la table une bouteille d'Octobre, rouge de Jean-François Nicq. Il a demandé des nouvelles du journal. J'avais croisé Nicq à la fin des années 90, il s'occupait de la cave d'Estézargues, dans le Gard. L'une des rares coopératives, alors, à produire en expérimentant beaucoup, en limitant le soufre, en tentant des cuvées moins stéréotypées, avec des jus gourmands.
Et puis il a lâché l’affaire, a cherché un domaine accessible financièrement, un terroir sur lequel construire son histoire. Il s’est posé dans les Pyrénées-Orientales, sur les sols granitiques des contreforts des Albères, petites montagnes à l’extrême sud de la France. Un coin aux vins pleins de soleil, d’une puissance écrasante. Les siens sont des vins de soif, de la fraîcheur, des jus digestes, peu de tanins. Octobre provient d’une syrah (v