Vingt-neuf centimètres de fantasmes ont fait sauter Bryan Stockton, le PDG du géant du jouet Mattel. Viré à cause d’une pépée pourtant fort bien lotie avec des jambes à battre des records de sauts en hauteur, des fesses fermes, des seins en obus, mais un sourire ingénu : Barbie. Oui, le sex-symbol aux mensurations inhumaines (l’équivalent d’un 95-45-82), l’égérie de générations de gamines, l’éternelle jeunesse née en 1959, vacille sur pieds cambrés. La gifle est rude pour la plus que cinquantenaire : au troisième trimestre 2014 ses ventes mondiales ont dévalé de 21%.
Niais. Pourquoi une telle veste ? Les mères (ou les pères) féministes auraient-ils eu raison de cette bombasse ultrastéréotypée ? Les idéalistes passeront leur chemin. D'autant que, comme l'explique Franck Mathais, directeur exécutif des ventes de la Grande Récré, en matière de jouets, les enfants font la loi. «Ce ne sont pas les parents qui choisissent.»
Sérieusement, cela fait un moment que Barbie avait d'autres soucis que les débats d'adultes sur la construction du genre. D'abord, avec les petites filles elles-mêmes : fini le temps où elles restaient longtemps petites. Aujourd'hui, passé 8-10 ans, jouer à la poupée, même quand elle est mannequin, ça fait bébé. «Depuis les dix dernières années, cela concerne toutes les marques, et forcément le potentiel de ventes de Barbie s'est rétréci», confirme Franck Mathais. Mais le vrai problème, tient peut-être à un cruel début de ringardisation. «Sans doute trop tradi, en décalage avec l'imaginaire des petites filles d'aujourd'hui. Barbie maîtresse d'école, par exemple, ça fait sans doute moins rêver !» analyse Franck Mathais qui vous fait défiler les concurrentes de la belle Américaine.
La première grosse ride apparaît il y a une dizaine d’années avec les Bratz. Du haut de leurs 25 centimètres de vulgarité, avec des grosses lèvres siliconées, elles taquinent méchamment Barbie la vieux jeu avec leurs tenues très teenagers. Pas si sotte, Barbie part à fond dans la mode : se fait mousser dans le concept store branché Colette, enfile des Louboutin et, récemment, se la joue en Kaiser (Karl Lagerfeld). Pas si dépassée, Barbie rompt avec son niais de Ken en 2004, le trompe (avec Blaine le surfeur), avant de remettre le couvert avec son ex en 2011. Le tout avec mise en scène et flaflas sur les réseaux sociaux. Mais ça manque un peu de rock’n’roll tout ça.
Lifting. En 2012, la pulpeuse résiste très mal aux très gothiques poupées Monster High, que Mattel soi-même lui a collées dans les pattes. Grosse erreur : à Noël, les Monster High ont quitté la piste tandis que Barbie s'est encore fait coiffer par une princesse : la reine des neiges «libérée, délivrée» de chez Disney. Au jeu du miroir «dis qui est la plus belle», les petites filles n'hésitent pas. «En ce moment, elles veulent des histoires fantastiques et merveilleuses. Des choses fortes, vecteurs d'émotions», expose Mathais. Le chant du cygne pour la vieille Barbie ? Houla, «on ne meurt pas comme ça dans le monde du marketing», rassure le directeur des ventes de la Grande Récré. Et voilà déjà Barbie vieille peau en plein lifting. Avec des cheveux roses et une cape à étoiles argentées, une nouvelle Barbie Princess Power a fait sensation cette semaine au Salon du jouet de Nuremberg. Une héroïne aux super pouvoirs, chargée de refaire une beauté à Mattel.