«Fumer tue», ça, on le sait. Mais on pourra bientôt ajouter : «Fumer, c’est moche.» Soucieux d’intensifier le combat contre la cigarette, les députés ont dit oui mardi (par 311 voix contre 241) à la loi santé qui, outre sa mesure phare instaurant le «tiers payant généralisé», prévoit l’instauration de paquets de clopes neutres ayant tous la même forme, la même couleur, la même typographie. Sans aucun logo. Mais avec des images chocs (dents pourries, poumons noircis, etc.) Seule concession aux cigarettiers, le nom de la marque pourra toujours apparaître, mais en tout petit.
Date d'entrée en vigueur prévue ? Le 20 mai 2016. Si la mesure, pour l'instant adoptée en première lecture, fait partie du paquet final, il en sera fini de toute une mythologie savamment construite par les designers et «marketeurs» : de l'historique cow-boy bronzé faisant des volutes de fumée aux plus récents petits paquets sexy comme un tube de rouge à lèvres. Cent fois évoquée depuis 2003 et les premiers «Fumer tue», puis remballée, la mesure réjouit, bien sûr, les ardents combattants de la cibiche, tandis qu'elle donne aux buralistes une méchante envie de rouler la ministre Marisol Touraine dans le goudron. «La France aurait pu se contenter d'appliquer la directive européenne antitabac qui prévoit déjà d'accroître la taille des avertissements sanitaires sur les paquets avec des images chocs et des slogans couvrant 65 % de la surface», s'est insurgé Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes.
Sérieusement, cette mesure phare d'un arsenal qui prévoit aussi l'interdiction de fumer en voiture en présence d'un mineur et celle de la publicité pour les cigarettes électroniques, est-elle pertinente ? Ou n'est-elle qu'une goutte d'eau dans un océan de fumée qui fait 200 morts par jour en France ? Premier pays à adopter le paquet neutre en 2012, et permettant un début d'évaluation : l'Australie. Selon une étude publiée en 2013, par le British Medical Journal, auprès de 536 fumeurs dans l'Etat de Victoria, à une époque où les deux types de paquets étaient disponibles, les «neutres» donneraient «moins de plaisir aux fumeurs». Jusqu'à les pousser à arrêter de fumer ? Un autre travail, publié l'an dernier dans la revue Tobacco Control (qui dépend du British Medical Journal) portant sur 6 384 personnes interrogées annuellement entre 2007 et 2013, montre que le paquet neutre aurait les faveurs des petits fumeurs et de ceux qui envisagent d'arrêter. Les «pompiers» seraient, eux, très sceptiques.
Alors quel bilan ? L’introduction du paquet neutre aurait fait baisser le nombre de fumeurs australiens quotidiens de plus de 14 ans de 15,1 % en 2010 à 12,8 % en 2013. Oui mais, et c’est un énorme mais, elle a été accompagnée d’une hausse vertigineuse du prix des cigarettes : 12 % par an pendant quatre ans. En 2013, un paquet coûtait en moyenne 13,60 euros ! Autant dire une fortune. C’est pourtant bien l’exemple australien qui a inspiré la France et convaincu l’Irlande. Une loi votée en février impose le paquet neutre. L’Irlande devenant ainsi le premier pays de l’Union européenne à s’y mettre, dix ans après avoir été le premier à interdire la cigarette au bureau.