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Libération

Tous fishés !

Tu mitonnes. Chaque jeudi, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, «fish and chips» et moules en papillottes.
Merlan, cabillaud, merlu  : le «fish and chips» s’accomode de tout poisson à peau épaisse. (Photo Florent Tanet)
publié le 22 avril 2015 à 19h16

Aquoi ça tient un bon gueuleton, hein ? A la gamelle que vous êtes en train de tortorer, et à la quille que vous êtes en train de siffler bien sûr. Mais pas seulement : vous êtes-vous déjà demandé ce qu’apportait ce petit supplément qu’on appelle l’ambiance ? Oui, vous savez, ce bruit de fond qui fait la différence entre la désagréable impression de déjeuner sur Sniper Alley et la goûteuse quiétude des maisons paisibles et hospitalières où l’on se réjouirait d’une simple patate en robe des champs. L’autre jour après avoir croûté au Laumière (1), belle taule gourmande au pied des Buttes-Chaumont, on s’est refait le film de notre bamboche. Bien sûr que la soupe est bonne, comme aurait dit mon colon. Le fait maison, ça nous cause, surtout quand il est question de chèvre chaud sur une galette de sarrasin et d’un diabolique beurre nantais sur une cocotte de poissons.

Miettes. Voilà pour le menu dit «breton» dans un cadre endimanché, mais pas trop, qui vous rappelle les salles de restaurant où Claude Sautet filmait des amours en partance. Et puis il y a cette fenêtre sur la cuisine, où l'on observe le ballet affairé et sincère des toques blanches en plein coup de feu. Avant un bref mais tonitruant Happy Birthday entonné par une escouade de serveurs devant un ado aussi frêle que sa bougie d'anniversaire.

C’est la petite fabrique des souvenirs qui est en marche et le maître d’hôtel n’est pas en reste pour l’alimenter avec ses bons mots et ses suppléments de chantilly pour les becs sucrés. On admire l’aisance tranquille de l’homme en habit noir à régler cette indéchiffrable chorégraphie qu’est une salle de restaurant, souple comme un matou, matois comme un goupil. Sûr qu’avec tous ces petits riens qui font les grandes attentions, on se régale autant les papilles que l’humeur.

Autre décor, autre assiette : Saint-Malo, un midi aussi indécis que le temps. Le gluon revendique haut et fort son addiction à une sandwicherie qui coupe le pain en quatre (une fois dans la largeur, une autre fois dans la longueur quand la bête est garnie). On négocie aussi serré qu’à Yalta, le môme étant aussi rusé que Staline et nous aussi sportif que Churchill. OK pour le sandwich, mais d’abord on va voir la mer, comme on dit quand on est né plus près de Morteau que de Brest.

Ça tombe bien, la flotte s'est retirée juste derrière le fort National. On s'égare au milieu des rochers visqueux d'algues, ramassant un fond de sac de coquillages, rêvant d'une soupe d'introuvables étrilles tandis qu'un cabot nous jappe dans les portugaises, sa truffe fourrageant dans le sable. La faim du gluon étant bientôt à marée haute, il aboie en direction de sa sandwicherie mais se décourage de la voir, soudain, si loin de la plage. On lui propose alors de mettre le cap sur la Buvette des bains (2), posée au pied des remparts. C'est qu'elle nous tend les bras, cette terrasse quasi déserte sous le ciel gris et cotonneux. Le gluon se pose en terrain connu. Celui du steak haché-frites. Oublié le sandwich en kit, le voilà qui veut fighter contre les mouettes comacs lorgnant ses patates. Nous, on se vautre dans un fish and chips doré et ventru comme une crêpe soufflée. Qu'importe s'il n'est pas aussi académique que les take away british de Brighton, l'ambiance est là, entre le sable, la mer et les frites.

Pour le fish and chips, on a plongé avec délice dans Jean-François Piège, le poisson à sa façon (3) où le chef multi-étoilé revisite cette recette «mot à mot, avec du poisson et des chips». Pour deux personnes, il vous faut 300 g de filets de lieu jaune (ou plus si vous avez un bon coup de fourchette). Si vous gardez la peau, vous pourrez en faire des beignets, comme nous le verrons plus loin. Mettez les filets au sel pendant 20 minutes, avant la préparation du plat. Pendant ce temps, confectionnez des miettes de chips en les plaçant dans du film alimentaire. Roulez puis tapez dessus avec un rouleau à pâtisserie. Rincez à l'eau claire et épongez soigneusement les filets de poisson. Trempez-les dans un blanc d'œuf réparti sur une assiette, puis dans les miettes de chips également étalées sur une assiette. Faites chauffer 75 cl d'huile de friture dans une poêle profonde. Faites y frire les filets de lieu jaune puis épongez-les sur du papier absorbant. Salez légèrement. Vous pouvez préparer une sauce en mixant un citron préalablement cuit au four. Pour cette recette, vous pouvez aussi choisir du merlan, du cabillaud ou du merlu. Avec la peau, confectionnez des beignets : coupez-la en morceaux que vous trempez ensuite dans du blanc d'œuf puis dans des brisures de chips de crevette. Faites frire ces morceaux dans l'huile à la poêle et épongez-les sur du papier absorbant. Servez à l'apéritif avec une sauce à base de fromage blanc et d'estragon juste blanchi. Tout poisson à peau épaisse s'adapte à cette recette.

Rondelles. Et comme notre estanquet malouin proposait des moules frites, on a feuilleté un bouquin malin et goûteux sur la cuisine en papillotes, avec plus de cinquante recettes autour des poissons, des viandes, des légumes et des fruits (4). Voici donc des «papillotes de moules et crème au curry». Pour 4 personnes, il faut : 4 feuilles de papier d'aluminium ou sulfurisé de 30 cm sur 30 cm ; 1,2 litre de moules de bouchot ; 1 oignon rouge ; 8 cl de crème liquide ; 1 cuillère à soupe d'huile d'olive ; 5 cl de vin blanc ; une grosse pincée de curry ; 1 citron vert ; quelques feuilles de basilic. Préchauffez votre four à 210 degrés. Grattez et lavez soigneusement les moules. Emincez finement l'oignon rouge. Répartissez les moules au centre des feuilles d'alu ou de papier sulfurisé. Ajoutez par-dessus les rondelles d'oignon. Dans un bol, mélangez la crème liquide, l'huile d'olive, le vin blanc et le curry et versez le tout sur les moules. Décorez avec des demi-rondelles de citron vert et des feuilles de basilic. Refermez les papillotes en laissant un peu d'espace pour permettre aux moules de s'ouvrir à la cuisson. Déposez les papillotes sur une plaque à pâtisserie. Enfournez-les durant dix à douze minutes.

(1) 4 Rue Petit, 75019. Rens. : 01 42 02 46 71. (2) Près de la porte Saint-Thomas. (3) «Jean-François Piège : le poisson à sa façon», de Jean-François Piège et Alexandra Michot, éd. Keribus, 160 pp., 24,90 €. (4) «Papillote surprise», de Frédéric Berqué, éd. Toquades, 88 pp., 7,95 €.