Un bâtiment industriel du début du XXe siècle, des fenêtres aux ossatures métalliques, un jeu de passerelles couvertes, une cheminée de quarante mètres de haut. L'atelier-musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon (Loire) s'est déployé dans l'ancienne usine de feutres de luxe, la maison Fléchet, fermée en 1976. La bâtisse est une rescapée d'un temps où, à son apogée dans les années 30, 2 500 ouvriers «feutraient» du poil de lapin à gogo dans 29 fabriques, pour en faire des couvre-chefs de qualité vendus dans le monde entier et à la haute couture.
Vitrines. L'actuel atelier-musée, où l'on badine parfois d'un «venez visiter les chapeaux de la Loire», retrace cette histoire locale qui a connu son épilogue dans les années 70. Avec machines, vidéos, démonstrations, et précision : afin de faire la cloche d'un chapeau de taille moyenne, compter quatre à cinq peaux de lapin, pour obtenir 100 grammes de poils. Mieux, il entretient aussi ce savoir-faire, avec un centre de formation, un atelier de production et un poste de modiste. Sans oublier l'organisation, tous les deux ans, des Rencontres internationales des arts du chapeau afin de valoriser la création actuelle.
Mais le musée, ses collections, et sa conservatrice passionnée, Eliane Bolomier (1), racontent aussi le couvre-chef du XVIIIe siècle à nos jours. Dans les vitrines sont évoquées la célèbre Rose Bertin, qui coiffa Marie-Antoinette ; la Belle Epoque, où tout fut prétexte à porter des chapeaux démesurés surchargés de fleurs, rubans, plumes - voire d'un renard entier ; les années 30, avec leurs adorables petites toques portées penchées sur le côté ; les années 40, avec les turbans en jersey de la modiste Paulette qui permirent aux femmes de circuler à bicyclette. Et puis, il y eut aussi les années 50, avec la capeline à large passe ronde, ovale ou rectangulaire pour équilibrer la jupe-corolle de la silhouette new look de Dior. Autant de belles décennies durant lesquelles nul n'aurait songé à considérer le chapeau comme un accessoire, avant qu'il ne sombre petit à petit dans les placards, à compter de la fin des années 60.
Ascot. «Mais le chapeau est actuellement plus à la mode qu'il y a vingt ans. Si Dior n'en présente plus depuis le départ de Galliano, Jean Paul Gaultier, par exemple, continue. On le retrouve aussi dans le prêt-à-porter», assure Eliane Bolomier, qui égrène les noms de ceux qui, à partir des années 90, ont redonné en France un coup de fouet à la création, comme la modiste Marie Mercié ou la griffe Chéri Bibi. Le mouvement n'est pas aussi ample qu'outre-Manche, où la royauté et les courses à Ascot sont toujours dûment chapeautées, et où de grands noms comme celui de Stephen Jones (qui a notamment travaillé pour Madonna) ou Philip Treacy (qui collabora avec Alexander McQueen) dominent, mais quand même.
(1) Auteure, entre autres, de «Chapeaux, mode et savoir-faire», 2014, éditions De Borée, 192 pp., 36 €.