Menu
Libération
Fashion faux pas

Qui veut la peau de la ballerine ?

Profitant du 14-Juillet, jour de communion nationale, des internautes invitent à une manifestation place de la République à Paris, pour demander l'abolition du port de cette petite chaussure plate. Mais pourquoi tant de haine ?
A Vienne, en 2013, l'objet de la haine de 33 000 internautes. (Photo Alexander Klein. AFP)
publié le 13 juillet 2016 à 17h37

Il n'y a pas de petite cause, ni de petit combat, mais parfois des luttes un peu justes sur les coutures, même s'il faut reconnaître que c'est assez drôle. Prenez par exemple ce lever de boucliers contre la ballerine, petite chaussure plate sans grand interêt, si ce n'est d'avoir habillé les pieds de sex-symbols divers comme Brigitte Bardot (et sûrement Audrey Hepburn, mais Audrey Hepburn m'a toujours gonflée), d'être confortable, portable avec pantalon comme jupe Vichy et de faire des gros mollets à qui n'est pas Audrey H., justement. Pas de quoi faxer à sa mère (enfin touiter, comme on dit aujourd'hui), on peut aussi s'agacer sur le micro-short, le retour de la banane, le port de la méduse en ville et on en passe.

«Le fléau de ce siècle»

Ainsi, cette pétition lancée en juin sur Facebook, qui appelle à un mouvement général et une manif jeudi place de la République à Paris, a réuni jusqu'à présent plus de 33 000 personnes. Je cite : «Le 14 juillet est un jour d'union nationale, profitons-en pour nous unir contre le fléau de ce siècle qui hante nos vie (sic), le port de ballerine en 2016 ! Appel à un mouvement général, il faut bloquer toutes les routes, toutes les villes, afin de se faire entendre au plus haut niveau, afin que les instances de ce pays prennent les mesures adéquat pour interdire le port de la ballerine !» 

La ballerine serait, à en croire les organisateurs (tous des hommes, j'en profite pour demander l'abolition de la chaussette en sandale, de la basket crade avec mi-bas et short, du micro-sac de pouffe en bandoulière...), un «gage de célibat et motif de rupture encore plus grave qu'une tromperie», rien moins. On préfère les talons hauts, sans doute ? Et de continuer (mais c'est un peu une blague en fait, il faut prendre ça avec humour) : «Par respect pour notre vue, notre odorat, ainsi que par respect pour vous mesdames, cessez d'être têtu (re-sic)Alors ensemble réunissons-nous dans la rue pour nous faire entendre ! LE COMBAT CONTINUE !!!» 

Les ballerinophobes en puissance

Reste que ce valeureux combat dépasse le cadre d'une potacherie facebouquienne : les ballerinophobes sont de plus en plus nombreux. Ainsi, sur le site d'une blogueuse américaine, qui s'appelle clairement «Manrepeller», mot à mot «ce qui repousse les hommes» (j'ai envie de te dire, madame, on peut aussi s'en tamponner les ovaires, de ce qui repousse les hommes non ?), il y a la ballerine, sise entre la jupe-culotte, vêtement emblématique des premières féministes, et les Uggs (oui bon les Uggs, ça va guère qu'aux bébés, mais si les gens ont envie de ressembler à des inuits égarés en ville, moi je m'en fous). La ballerine comme repousse-mec ? Tu veux dire anti-harcèlement, aussi ? Voilà une idée qui pourrait faire son chemin et pousser certaines à adopter la Repetto comme un glaive... mais on s'égare peut-être un peu.

Cela dit et avant de les enterrer, rappelons qu'on les a vues chez Saint Laurent, Isabel Marant, Céline et A.P.C, Valentio, Dior en version un peu rock, interprétées avec rubans de danseuse classique chez Miu Miu ou en mode pointues et nude chez Louboutin, selon la Fashion police locale. C'est dire que, quand même, la petite chaussure plate un peu fade n'a pas dansé son dernier cygne.