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Libération
Power Fist

Toujours le poing levé !

Ce geste contestataire historique dans la culture noire américaine est récupéré à tout-va.
Donald Trump lors de son investiture le 20 janvier. (Photo Mark Ralston. AFP)
publié le 6 février 2017 à 15h40

Comme un «v» de la victoire, Donald Trump levait le poing face à la foule lors de sa cérémonie d'inauguration le 20 janvier. Sans savoir qu'il faisait écho à un leader… des Black Panthers, Huey P. Newton. Une «incongruité» pour le site Buzzfeed qui compose à cette occasion une généalogie de ce rituel du «Power Fist», symbole de solidarité et de soutien dans la communauté afro-américaine. On l'a vu lors des Women's March les jours suivants, associé au symbole de Vénus chez les militantes féministes. La comédienne Winona Ryder a aussi levé un poing sur scène (entre autres bizarreries) lors du discours contre le muslim ban de l'acteur David Harbour, son comparse dans la série Stranger things, aux récents Screen Actors Guild Awards. Un brouillage de signes «qui veut tout et rien dire à la fois», estime Buzzfeed.

A St Louis (Missouri) lors de la mort de Michael Brown, en 2014.

Historiquement, aux Etats-Unis, ce geste contestataire s'inscrit dans le courant Black Power comme un symbole du nationalisme noir, d'unité et de résistance. Lors des mouvements pour les droits civiques, on se souvient des deux athlètes Tommie Smith et John Carlos protestant sur le podium aux Jeux olympiques de Mexico en 1968 et immédiatement suspendus. Le poing levé a encore été repris en septembre dernier par un joueur de football américain de Kansas City lors de l'hymne américain, pour signaler l'oppression des minorités afro-américaines. Le geste a été ensuite abondamment recyclé dans la pop culture, des clips de Beyoncé à la série Empire. «C'est aussi le symbole parfait de la manière dont la culture noire américaine est consommée par des gens à l'intérieur et hors de cette communauté. Plus important encore, il désigne la façon dont les Noirs américains, tout comme le sens de ce poing, se redéfinissent en permanence.»

Ouvrier gréviste en 1936, en France. (Archives AFP)

Auparavant, aux Etats-Unis, il a d'abord été le logo d'un syndicat ouvrier de Chicago, Industrial Workers of the World, en 1917. L'un des sigles de cette colère populaire que l'on connaît sans doute le mieux date quant à lui de 1948 et est le fait d'une imprimerie mexicaine, Taller de Gráfica Popular fondée par un collectif d'artistes. Le chercheur Gilles Vergnon, dans son article Le «poing levé», du rite soldatique au rite de masse contextualise : d'abord aperçu chez des communistes allemands des années 20, «au mitan des années 30, en Europe, le poing levé devient le signe d'appartenance par excellence de la gauche, surtout de la gauche antifasciste qui s'oppose aux troupes du bras tendu». Ce sera encore le cas en Mai 68, en France. Il a également été détourné par les suprémacistes blancs qui l'ont remplacé aux Etats-Unis par un poing blanc signifiant «white power».

D'ores et déjà transformé en symbole emoji sur les smartphones, ce signe militant court le risque d'être récupéré et vidé de son sens, «comme le signe de la paix ou le smiley, » met en garde Buzzfeed.