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Libération

«Effet Matilda» : cachez cette femme que nous ne saurions voir

publié le 23 juillet 2019 à 18h26

L'historienne des sciences Margaret W. Rossiter théorise dans les années 80 «l'effet Matilda». Dans les milieux scientifiques, elle constate que les recherches réalisées par des femmes sont souvent minorées, écartées ou attribuées à des hommes qui en récoltent tous les lauriers. Les femmes sont alors évincées lors des remises de prix et leurs noms absents des manuels de sciences et d'histoire. Cette théorie fait suite aux travaux du sociologue américain Robert King Merton. Dans les années 60, il s'est intéressé à la manière dont les grands personnages publics ont évincé ceux qui les ont accompagnés dans leur réussite. C'est «l'effet Matthieu» en référence au verset de l'Evangile selon Matthieu : «Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a.» Avec l'idée qu'à l'arrivée, il ne peut en rester qu'un. Un comportement d'autant plus flagrant quand il s'applique aux femmes dans les milieux scientifiques. Ce que Margaret W. Rossiter nomme «l'effet Matilda», en hommage à la militante féministe Matilda Joslyn Gage qui, au XIXe siècle, dénonçait déjà ces hommes qui ont tendance à s'accaparer les idées des femmes. Parler de l'effet Matilda permet aux nouvelles générations de prendre conscience de situations anormales et de rendre justice à toutes celles qui ont été évincées de leurs mérites, comme l'astrophysicienne Jocelyn Bell Burnell (qui a découvert le premier pulsar, invention pour laquelle son directeur de thèse, Antony Hewish, a obtenu le prix Nobel), la médecin Marthe Gautier (qui a découvert la trisomie 21) et bien sûr Mileva Einstein.