Plébiscitées, moquées, ou remises au goût du jour, les chaussures sont perçues comme le reflet d'une époque, de communautés, d'une personnalité. Entre modèles iconiques ou en passe de le devenir, Libération consacre une chronique hebdomadaire à des passionnés qui se racontent à travers leurs pompes. Aujourd'hui, Olivia, 36 ans, amoureuse des Converse All Star.
Les chaussures idéales pour un premier rendez-vous et pour un entretien d’embauche ?
Pour un rendez-vous sentimental, je mettrais une paire de bottines parce que je trouve ça très universel et facile à porter. En fonction de la bottine choisie, on peut y mettre toute notre personnalité parce qu’il y a énormément de modèles différents. Et en même temps, c’est quand même très seyant, ça peut éventuellement être sexy, audacieux et en même temps classique. On y met un peu de sa personnalité tout en restant un peu en retrait. On ne donne pas tout au premier rendez-vous. J’ai deux, trois paires que je trouve assez adaptées. En général, il y a toujours un petit talon et j’aime bien celles avec des brides et quelques clous. Toujours le côté rock qui revient. On ne se refait pas.
Pour un entretien, ce sont les derbies. Je trouve ça très féminin avec un joli tailleur, une petite veste, un blazer, même si quelqu'un m'a dit que ça ne l'était pas. Je trouve ça beaucoup moins classique et traditionnel que l'escarpin qui a tendance à faire un petit peu vieillot parfois. Des derbies, vernis par exemple, ça peut tout à fait aller tout en étant très classe, très convenable.
Votre pire souvenir autour d’une paire de chaussures ?
Un ex-compagnon m'a fait haïr les talons en voulant me forcer à en mettre. Il voulait absolument me féminiser, me sortir de mon style. Il m'offrait en permanence des talons de 12 cm qui ne me correspondaient pas du tout. C'était limite des chaussures de stripteaseuse, un peu transparentes. Je me disais : «Mince, qu'est-ce que j'ai renvoyé comme image pour mériter ça ?» Il a réussi pendant environ deux ans à me faire complètement haïr les talons alors que ça peut être très joli avec un jean, une petite robe sympa. J'ai fini par toutes les refourguer à Emmaüs. Il m'en offrait vraiment pour me forcer à les mettre, ce qu'il n'a pas réussi à faire. Pour lui, une fille doit être en talons aiguilles, les gros talons il n'aimait pas alors que moi j'aime beaucoup. Le cliché très patriarcal. Je me suis mise à me sentir mal en regardant certaines filles en porter alors qu'elles ne m'avaient rien fait. C'est horrible quelqu'un qui nous force à porter des choses qui ne nous ressemblent pas. C'était en plus des chaussures à plateforme à l'avant pour être les plus hautes possible. Je les ai essayées et j'avais l'impression d'être un héron. C'était très inconfortable et pas mon style. Il n'y a pas eu que les chaussures d'ailleurs. Il voulait totalement transformer mon style dans un souci d'ultraféminité.
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Un souvenir de cours de récréation autour d’une paire ?
Je me souviens que, les chaussures, c'était très codifié à l'école. Telle année, il fallait avoir telle paire de Nike, l'année d'après c'était les Caterpillar en nubuck. Chaque année, ça changeait. La Dr Martens en 1996 dans mon collège, c'était la chaussure à avoir à tout prix. Il y avait des codes, il fallait mettre des perles sur les lacets, les lacer de telle façon. C'était assez drôle. Quand on avait la paire à la mode c'était le Graal, on était un peu la fille ou le garçon populaire. Par contre, quand on ne les avait pas, que les parents ne voulaient pas ou n'avaient pas les moyens de nous en acheter, il valait mieux avoir d'autres chaussures que d'avoir les imitations. Là, ça nous rendait totalement impopulaire et c'était terrible. Quand j'avais des fausses Converse, je ne les portais quasiment pas, je me disais qu'il valait mieux avoir une autre paire de chaussures que les fausses. Comme aujourd'hui les fausses Stan Smith que l'on voit beaucoup. Il y avait des moqueries. Quand on est en 6e, 5e, l'adolescence, c'est terrible tout ce qui se passe en classe. Il y a une pression sociale autour des marques, Converse, Dr Martens, tout ça. Et ce n'est pas évident parce que tous les parents n'ont pas les moyens. L'enfant pousse à l'achat parce qu'il ne se sent pas comme les autres sinon.