Plébiscitées, moquées, ou remises au goût du jour. Les chaussures sont perçues comme le reflet d'une époque, de communautés, d'une personnalité. Entre modèles iconiques ou en passe de le devenir, Libération consacre une chronique hebdomadaire à des passionnés qui se racontent à travers leurs pompes.
Quelle est, selon vous, la chaussure idéale pour un premier rendez-vous ?
Surtout pas de talons ! Je suis encore traumatisée de la première fois de ma vie où j'ai mis des talons, je devais être au lycée. Mon talon est resté coincé dans la grille. Les gens se mettaient à crier : «Allez avance-là.» Imagine la scène ! En plein lycée Diderot à Marseille, un établissement immense avec prépa, Greta [formation continue pour adultes, ndlr], techno etc. En plus au quartier, les filles à talons, ça faisait femme ouverte à la séduction. Avec mes copines, on surjouait le côté adolescentes qui vont à l'école et qui ne veulent pas répondre aux sollicitations de garçons plus âgés. Les mecs te balançaient «oh tu es encore à l'école, toi ?!» Et on cultivait cette image sanctuaire d'écolière sérieuse, les talons ça faisait direct femme fatale. On était loin des lolitas, cheveux colorés à 10 ans, maquillées. De cette période, j'ai gardé le réflexe du premier rencard en baskets et si je veux mettre un peu de féminité, je choisis des Converse.
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En face, il faut que la personne soit polyvalente, qu'elle soit à l'aise en Timberland, en baskets et en chaussures un peu plus habillées. Ça ne veut pas dire que je valide la dégaine costume et chaussures pointues de quatre mètres de long qui te donnent l'impression d'être en mission sur Mars pour capter un satellite. Non merci. Avec le recul et l'âge, il y a une paire que je n'accepte plus c'est la TN (Air max TN). Ça fait trop cramé. Trop ghetto. Ce n'est plus possible. C'était bien dans les années 90. Maintenant, il faut arrêter. Ça véhicule trop l'image du mec qui tient un réseau de drogue. A l'époque, tu pouvais avoir un flow avec cette paire mais maintenant c'est mort.
Avez-vous un souvenir de cour de récréation ?
A l'école, j'adorais la Nike Cortez. J'aimais beaucoup le Secteur Ä. Chaque rappeur avait une rime pour la basket blanche. «Mes baskets blanches vont encore morfler.» «J'ai remis mes baskets blanches, lunettes, casquettes.» La Cortez est originale, tu as une pompe toute blanche avec juste une virgule colorée. Chaque rentrée je cherchais une paire qui sortait du lot.
Un souvenir de voyage ?
Je dirais : Algérie, Karl Kani [marque de vêtements hip-hop]. Pas pour la rime hein. J'avais des KK blanches, noires et en plus j'aimais bien les Poetic Lover. Le leader du groupe s'appelait Carry Kani et je faisais genre c'était la même famille. Lors de mes voyages en Algérie, j'en mettais beaucoup et j'avais des cousins qui venaient d'autres villes en France. Ils ne connaissaient pas forcément cette marque, sauf ceux qui vivaient sur Paris ou Bordeaux. Et il y avait un petit clash entre les urbains et les personnes qui vivaient dans de petits bleds, on se moquait d'eux.