C’est la seule femme dans un groupe d’hommes. A sa droite, deux culs : l’un est tourné vers elle, dans l’autre est enfoncé un bouquet de fleurs qu’un type semble compléter d’une nouvelle tige. A sa gauche, l’homme qui se penche vers elle a une mûre sur la tête. Plus bas, un compère la regarde - lui, il porte une cerise. Elle est assise, yeux mi-clos. Sous son bras droit, le type aux fleurs dans le cul nous regarde.
Pourquoi s’est-elle mise sur la tête cette collerette translucide de fleurs ? Peut-être bien pour ne pas recevoir les postillons de l’homme à la mûre, qui lui parle un peu trop près du visage. Par sa posture, le calme apparent de son visage et sa drôle de visière, elle semble en retrait. Dans tout ce bruit, elle a l’air un brin désabusé. Ou alors elle se repose entre deux orgies - impossible de ne pas voir des métaphores sexuelles dans ces rassemblements débridés.
On pourrait passer un nouveau confinement à regarder ce tableau, peint il y a cinq siècles par Jérôme Bosch, sans en faire le tour. Ce groupe de personnages occupe une petite place en bas à droite de son panneau central. On ne se risquera pas à se lancer dans des hypothèses quant au sens de cette scène ou du Jardin des délices - le nom du triptyque - en général. C'est un fatras de motifs religieux, de rapprochements impossibles, de fruits et d'animaux plus ou moins existants - beaucoup de chouettes. On ne sait jamais si les scènes sont comiques ou malaisantes ; et l'enfer, qui occupe tout le panneau de droite, paraît certes plus douloureux, mais beaucoup moins angoissant que ce qui se passe au jardin autour de cette jeune femme.