Wadi Rum (Jordanie) envoyée spéciale
Pour cette première nuit, le désert est doux. Des nuages accrochent les rayons de la lune descendante, loin au-dessus de crêtes déchiquetées qui nous maintiennent pour l'instant dans l'ombre noire, blottis auprès des braises d'un feu de tamaris. Le vent s'engouffre dans le Barah Canyon, vallée sablonneuse du massif de Wadi Rum. Lorsque la lune frappe la paroi d'en face, révélant des croupes argentées et de sombres crevasses, nous partons rendre visite au bivouac d'un groupe voisin. Une lumière diffuse monte du sable, les lampes restent dans les poches. Une lueur rougeâtre dansant sur l'auvent d'une grotte donne le cap. Les pieds cherchent le sable croûteux, durci par la dernière pluie, l'oeil renonce à saisir autre chose qu'un paysage fantomatique. Cette montagne est un rocher tout proche, l'horizon semble à vingt pas, il n'y a plus d'échelle. C'est une nuit mystérieuse, une nuit sans repères qui fascina Lawrence d'Arabie. «Les falaises invisibles se laissaient deviner comme des présences», écrivait-il. Wadi Rum fut le théâtre des aventures de sir Lawrence, ces nuits, «paysages de l'esprit», scandent les Sept Piliers de la sagesse.
«Chaos de blocs». Sabbah Eid nous a conduits ici à la nuit tombante, au volant d'un 4x4 Isuzu bien suspendu qu'il préfère à son Toyota, puissant mais tape-cul. Sabbah pilote en souplesse («bedouin way !»), quittant une trace pour une autre, serpentant entre les arbustes. Il connaît le nom de chaque arête, de chaq