Pour noyer les derniers sanglots d'un désamour, John avait pris la route du nord, celle qui en Australie, dans un monde inversé, mène au soleil. Vers ce gros gâteau sec qu'est l'Etat du Queensland, racorni au coeur mais assoupli sur toute sa tranche par les eaux du Pacifique. Nous nous sommes rencontrés quelques années plus tard alors qu'il initiait des Japonaises rougissantes à la plongée sous-marine. Il n'était pas le seul, disait-il, à s'être enfui vers la grande barrière dans l'espoir d'y retrouver un fragment d'innocence. Comme si tous les malheurs pouvaient se dissiper au fil du courant, dans cette parenthèse de sable et de corail.
La grande barrière de corail est, pour les Australiens, un lieu de jeux et d'épousailles. Les plus petits y flirtent avec les vagues, les adolescents avec d'autres adolescents et les hommes emmènent leurs femmes célébrer des noces au parfum d'écran solaire. Les détails sont laissés aux cohortes de scientifiques qui ne cessent d'éplucher les mystères de ce fabuleux rempart qui, du détroit de Torres au tropique du Capricorne, déroule ses effusions de calcaire. Si les récifs bourgeonnent et s'épanouissent comme des géraniums au balcon, le corail n'appartient pas au monde végétal, ni même minéral. Animal donc, presque dérisoire dans la simplicité de sa structure : un boyau qui s'ouvre sur une bouche, couronnée de tentacules. Seul, un corail n'est rien. En colonie, les coraux déploient la vigueur d'une armée, ils sculptent des arches, élèvent des