Siwa (Egypte) envoyée spéciale
Vue du ciel, l'oasis de Siwa n'est probablement qu'une immense tache verte encerclée par les sables. Les milliers de palmiers et d'oliviers qui la recouvrent cachent ses maisons de torchis. A l'est, la coulure argent du lac salé réfléchit le soleil. Autour, l'ocre et le jaune des dunes ont mangé toute couleur. Mais dès que le regard se pose, Siwa n'est au contraire que nuances et contrastes. Dans les cours et sur les toits des maisons de sable aux portes colorées, les dattes en train de sécher déploient leur palette. Beige et brun, violet et jaune, rouge et presque noir juxtaposés en pointillés confisent au soleil. Plus loin, il y a encore du vert, et des bidons d'huile d'olive empilés devant les magasins, des cageots de bois débordant d'oranges.
Voilées dans un tarfottet, les femmes quittent rarement leur demeure
Un fantôme bleu marche sur le chemin bordé de palmes. Un cahot, des sabots sur le sable. Une carriole passe. Rênes en main, guidant son âne, un gamin rigolard mâchonne une datte. Assises à l'arrière, secouées par les sursauts des roues, d'autres silhouettes sans visage, drapées de bleu, barrées de broderies orange et rouge, conversent. Un rire fuse, le tissu bleu retenu par les dents glisse et dévoile à l'étranger, le temps d'un virage, deux grands yeux souriants et complices. Siwa, et c'est peut-être là son seul tort, ne montre pas ses femmes. Cachées sous la trame indigo de leur tarfottet, offert au jour de leurs noces