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Mon Saint-Michel

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Pèlerinage, corvée familiale ou marathon touristique, voilà neuf siècles que l'abbaye, perchée sur ses hauteurs, accueille des visiteurs attirés par les marchands du temple et la vue époustouflante.
(ƝƖƇƠ ƬƖMΣ ™ / Flickr)
publié le 12 novembre 2005 à 4h32

Sur le quai de la gare de Pontorson, un Japonais solitaire se démène avec ses guides de voyage. Il a 28 ans, il vient de Tokyo, il travaille dans une banque, il s'appelle Tomo. Sur les cinq jours consacrés à la France dans son tour d'Europe (dix-huit jours en tout), il a tenu à se rendre au Mont-Saint-Michel. Pourquoi ? La réponse est une carte postale ridée qu'il sort de son sac à dos. On y voit Le Mont-Saint-Michel en effet, tout en chromo rutilant. Tomo l'a reçue en cadeau de sa maman quand il avait huit ans. Depuis, il en rêvait «comme du Château dans le ciel, vous savez le dessin animé de Miyazaki Hayao». On sait. Mais, sauf à faire des étincelles dans le choc des cultures, on renonce à lui expliquer que pour les pèlerins du Moyen Age, l'abbaye du Mont, à l'époque bariolée de polychromies pétaradantes comme toutes les églises d'Occident, était de même, façon manga, une acropole de couleurs dans les nuages, «la Jérusalem céleste sur terre» aux dires des clercs. Comme Tomo ne s'en sort pas avec les horaires des cars reliant Pontorson au Mont, on propose de l'avancer en voiture. Il accepte dans une tornade de révérences. En traversant le bourg bien nommé de Beauvoir, on guette son regard lorsqu'au dernier virage apparaîtra son château dans le ciel. Et, quand se dresse au crépuscule la pyramide du Mont, si proche tout à coup, si écrasante, c'est un instant inouï de sidération. Et, comme s'il voulait capturer son rêve en inversant la fameuse preuve par l'image, Tomo tend à b