Au fond, ce qui a vraiment tué Jeanne d'Arc, c'est la coupe au bol, qui, prenons-en le pari, fera florès dans les siècles à venir, comme un symbole de femme libre. Le port des cheveux courts, soyons-en certains, a été la principale cause de son martyre : si pour les hommes, en notre époque glorieuse de cette première moitié du XVe siècle, la mode est aux cheveux courts, c'est une faute très grave, un péché mortel pour les femmes, sur lequel est basé toute l'apostasie de Jehanne.
Ce fut même l'un des griefs principaux contre elle, porté dans l'acte d'accusation aux articles 12 et 13 : les cheveux courts sont une atteinte à «l'honnêteté du sexe féminin, interdit par la loi divine, abominable à Dieu et aux hommes et interdit par les sanctions ecclésiastiques sous peine d'anathème». C'est écrit par saint Paul dans la première épître aux Corinthiens, «toute femme qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef [.] S'il est honteux pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée, qu'elle se voile». Voilà qui n'admet aucune réplique, et Jeanne d'Arc, en coupant sa chevelure (sans doute noire) en rond, en sébile, dégageant le cou et les oreilles allait déclencher les ires de l'Eglise.
Pourtant, si la jeune héroïne a coupé ses cheveux que fillette elle portait flottant sur le dos ou nattés, c'est pour des raisons pratiques. Allez donc faire la guerre et chevaucher avec des hommes avec une longue crinière flottant au vent. Robert de Baudric