Si l'occupant anglais espérait en finir avec Jeanne d'Arc en la livrant aux flammes, on peut d'ores et déjà affirmer qu'il s'est lourdement trompé. Moins de vingt-quatre heures après sa mort sur la grand-place du Vieux-Marché de Rouen, la jeune résistante est en passe de devenir une véritable héroïne nationale ; son courage et sa piété sur le bûcher sonnant comme un ultime défi aux juges et aux soldats.
Etau. «Plût à Dieu que mon âme fût au lieu où je crois être l'âme de cette femme.» Cette phrase murmurée par un officiel durant l'exécution résume bien le sentiment général. Jeanne est de toute évidence innocente des faits de sorcellerie, hérésie et parjure dont on l'accable, et c'est bien son rôle de chef de guerre victorieux à Orléans, Beaugency ou Patay qui lui valent aujourd'hui sa condamnation à mort.
Le jugement est cependant un mauvais coup pour la Couronne. En ce début de XVe siècle, la France est plongée depuis près de cent ans dans une crise successorale avec l'Angleterre des Plantagenêts qui semble sans issue (lire les pages «Rebonds» de Libération du 12 mai). Le royaume, encore démoralisé par la défaite d'Azincourt, n'est plus que l'ombre de lui-même. Il est désormais pris en étau entre les territoires anglais de Guyenne (au sud-ouest), de Normandie et du Maine (au nord) et de la Bourgogne, alliée à l'occupant, à l'est. La capitale est aux mains des Bourguignons. Quant au jeune souverain Charles VII qui succède dans des conditions