Thoniers centenaires de l’île de Groix, imposants langoustiers à la coque chaloupée… Ces bateaux surannés peuplent toujours les côtes bretonnes. Vaisseaux fantômes englués dans la vase, envahis par les herbes et les algues. Ils végètent, pétrifiés par l’iode et les marées. Bien sûr, les plus exposés se sont désintégrés. Mais la Bretagne regorge de ces endroits secrets, propices à l’abandon: criques oubliées, estuaires morcelés. Des refuges mystérieux suggérés puis révélés par le reflux.
Dans ces ultimes lieux de naufrage, les parcelles d’histoires s’emmêlent. Elles racontent le passé maritime de cette région. Etel dans le Morbihan: vers 1930, trois cents thoniers y travaillent. Camaret-sur-Mer dans le Finistère: en 1960, le premier port de pêche de langoustes français abrite une trentaine de bateaux. Ils naviguent de l’Irlande aux côtes mauritaniennes. Un peu plus loin, Douarnenez s’est construite grâce à l’industrie de la sardine.
Dans ces villes portuaires, tout est tourné vers la pêche. Les chantiers navals côtoient les conserveries. Puis la profession décline. Les ressources diminuent. La flotte se modernise. Les bateaux en bois sont délaissés, abandonnés à l'abri d'une ria ou nichés dans une crique. Le geste est d'abord pratique: «Souvent on récupérait les morceaux pour une nouvelle construction ou comme bois de chauffage», raconte Jean-Louis Dauga, conservateur au Port-Musée de Douarnenez. Il est surtout affectif. «Dans un cimetière, le capitaine laisse son