Nous nous tutoyions même, et j’avais, je l’avoue volontiers, bien plus de zèle dans notre intimité que dans les locaux de l’université.
Nous nous retrouvions chez moi. Pour des questions pratiques tout d’abord : ma table était sans doute plus conviviale que son bureau. Et parce que l’imagination me faisait défaut pour m’inviter dans son monde. J’aurais pu faire un effort de recherche, mais les biographies (même des siècles après la mort d’un personnage) m’ont toujours semblé le fruit d’une sorte de voyeurisme aux motivations douteuses. C’est donc lui qui venait.
Nous nous installions sous l’escalier, qui laissait à la table juste la place de se tenir, avec ses quatre chaises. Leur confort variait selon que la pente des marches s’éloignait ou se rapprochait du sol. Je lui laissais le côté à risque. S’est-il cogné comme tous les locataires ? Il ne s’en est jamais plaint.
Ce recoin exigu était particulièrement propice à l’échange. L’étroitesse du couloir, le minimalisme de son mobilier, l’absence totale de fenêtre créaient un lieu hors du temps, enclin à accueillir réflexions et confidences.
Descartes et moi n’étions d’ailleurs pas les uniques intervenants autour de cette table. Nous étions une petite communauté de colocataires et amies à nous retrouver, la nuit venue, sous la lumière de la lampe en fer-blanc qui nous éclairait, fébrilement fixée à une étagère.
Nous nous rassemblions d’abord dans les deux mètres carrés équipés qui nous servaient de cuisine, avant de rejoindre notre