«Par quel stratagème discret les passagères de l’avion ont-elles réussi leur brusque métamorphose? L’instant d’avant dans l’appareil (qui amorce sa descente sur Sanaa, au Yémen), nous étions toutes semblables, vêtement à l’occidentale et cheveux lâchés. Dans la file strictement masculine qui conduit à la douane, je ressens soudain une curieuse solitude: toutes ont revêtu le niqab et sont assises en retrait…»

Dès les premières pages de leur Journal de la mer d’Arabie, le ton est donné: le carnet de voyage de Claire et Reno Marca, du Yémen à l’Inde dans le sillage des dhows (les voiliers traditionnels de la région) n’est pas une simple compilation de jolis dessins accompagnés de légendes plus ou moins descriptives. Mais un vrai voyage, impressionnant recueil de croquis, tableaux, photographies et cartes (Reno) complétés par des textes sensibles et intelligents (Claire) sur une région peu connue, au croisement de l’Afrique, de l’Arabie et de l’Inde.

Une région objet de fantasmes et de dangers réels, où se mêlent les contes des Mille et Une nuits, la modernité de villes du XXIe siècle, l’extrême dénuement du petit peuple, la nature sauvage et les pétrodollars. Un travail d’ethnologue et d’artiste, sur plus de deux cents pages bien remplies, va-et-vient permanent entre les illustrations et le récit. Pour offrir au bout du compte une aventure de plusieurs mois qui ne triche ni sur l’itinéraire (Yémen, Socotra, Oman, Dubaï, Karachi, Bombay…) ni sur les moyens de transports (