Baroudeuse en stiletto et sac à dos, je vous emmène dans mes périples de business-voyageuse à la découverte de petites perles qui égayent le quotidien des businessmen stressés, femmes d'affaires pressées, globe-trotteurs invétérés, à qui il manque l'adresse qui rendra leur journée un peu plus belle.
Un client me recommandait pour terminer la soirée de me rendre dans une église déconsacrée de Haarlem où les bitures seraient devenues un commandement.
Jésus, Marie, Joseph ! C'était assez pour me convaincre d'aller expier tous mes péchés sous les courbes d'une nef.
Les abords de l'église étaient calmes et tranquilles. Pas d'aumônier à l'horizon, ni même –pour le moment– aucune apparition. J'appréhendais cependant l'aube du serveur et son chapelet autour cou. Et me mis à douter de pouvoir boire un verre sans être forcée de communier avec le divin après m'être confessée. Il était tard, il faisait nuit, je m'approchais de l'édifice de briques rouges sang. J'y voyais là le Tout Puissant et pensais aux rituels de prière « Buvez, ceci est mon sang… ». Mes cours de catéchisme lointains se bousculaient dans ma mémoire. Ma culpabilité judéo-chrétienne atteint son climax quand je poussais les portes du porche. Je ne cherchais ni les grenouilles. Ni le bénitier.
Je vis la lumière en rentrant, celle se reflétant sur les immenses et imposantes cuves de brassage traversant le bas-côté jusqu’à la croisée du transept.
Les miracles aussi.
Comme Jésus marchant sur l’eau, un pont suspendu permettait de traverser en hauteur l’église jusqu’à l’autel pour atteindre les salles de restaurant.
Comme Jésus multipliant les pains, les bières étaient aussi nombreuses que variées sur le bar. L’encens avait cédé sa place à des parfums d’orge et de malt.
Point de recueillement à la Jopenkerk. Les fidèles au milieu de bruyantes et joviales agapes semblaient se repaître non pas du corps du Créateur mais de nourritures bien terrestres, le liquide dans leurs verres : à bulles et d’un blond doré.
Point de vêpres non plus, l’établissement annonçait une « prière de boire ma bière » jusque tard dans la nuit avec pour seule croyance celle de passer une soirée my(s)t(h)ique et originale ; pour unique religion celle du houblon.
Les serveurs sont charmants et non-pratiquants, la nourriture plus réelle que spirituelle et la bière votre communion. Laissez les prières pour plus tard et rangez les chapelets dans le tiroir du buffet.
Ce n'est qu'en fin de soirée, un peu éméché, que pourrait alors apparaître l'Immaculée.
Gedempte Voldersgracht 2
2011 WD Haarlem, Pays-Bas
+31 23 533 4114
