La file s'étend sur quatre ou cinq kilomètres. Quatre ou cinq kilomètres de voitures, des Dacias pour la plupart, qui attendent docilement le droit de passer la frontière. Les moteurs sont arrêtés : l'essence coûte cher. Toutes les dix minutes environ la queue progresse de quelques mètres et chaque conducteur pousse péniblement son véhicule. Une légère brume m'empêche de distinguer le poste de douane, mais là où je suis je sais qu'il faudra encore patienter deux bonnes heures avant d'y arriver.
Bors. Point de passage entre la Roumanie et la Hongrie. Une vraie frontière, comme il n'en existe plus en Europe occidentale. Ici, ce n'est pas encore l'Orient mais ce n'est plus vraiment l'Occident. Rien n'est vraiment clair. Sommes-nous vraiment à la douane ? A t-on le droit de sortir de Roumanie ? Rien n'est moins sûr. L'ambiance est lourde. Les familles entassées dans les voitures font grise mine et attendent avec angoisse la rencontre avec le tout-puissant douanier, incontesté maître des lieux. Ici, il y a deux sortes de douaniers. Le genre gras et corrompu d'abord. Il promène son ventre et son uniforme gris sale autour de la voiture à la recherche du bakchich (ciubuc en roumain) qu'il est de toute façon certain d'encaisser. Une cartouche de cigarettes Kent. Quelques fruits, des chocolats pour ses enfants. Il ne se fait pas de souci le camarade douanier : tout est prévu. On trouve même des victimes consentantes au point d'apporter ostensiblement leur obole avant que le gr