Il faut que la manie soit bien ancrée pour que Guillaume de Monfreid rejoigne depuis maintenant soixante années avec un enthousiasme intact -«à la mer, tout le monde va en courant»- la vaste étendue capricieuse. Le chant des sirènes diront certains, l’amour du grand large plus précisément.
Rasade. Dans son carnet de bord qui vient de paraître chez Glénat, l'écrivain dopé à l'iode détaille onze humeurs de sa muse incontrôlable, sur une échelle allant de l'étendue «miroir tant elle est lisse» à la mer déchainée avec déferlante de vagues scélérates. Ecrivant comme il navigue, ses notes se distinguent par une approche amoureuse d'une mer inconstante, changeante, imprévisible.
Une passion qui le mène à décrypter par le menu les multiples variations de l’onde, nous faisant profiter au passage de son expérience de la navigation, de sa connaissance de la météo et des histoires recueillis auprès de vieux loups de mer. Sauveteurs, officiers de la marine, pêcheurs racontent leur vécu bien au-delà des dictons les mieux partagés de la côte : «Quand l’voué patrouille, c’est mauvais sègn'» (Quand l’ouest noircit, c’est mauvais signe), «Qui voit Ouessant voit son sang !».
Plouf. Vagues de trente mètres de haut, épaisse comme une barre d'immeubles, dents rocheuses qui n'apparaissent qu'à marée basse et éraflent les coques le reste du temps, lames hors-normes ou à l'inverse mer d'huile, sans un pli à la surface ni le moindre souffle d'air pour gonfler une voile,