Il suffit d’oser. Oser s’enfoncer dans les entrailles de Plänterwald, le poumon vert de l’ex-Berlin-Est, sur la rive Sud de la Spree. Sans s’occuper du ciel plombé où une formation de hérons dessine une flèche comme pour enjoindre à rebrousser chemin. Au milieu de cette forêt bolcheviko-maléfique, une clairière donne sur un interminable grillage rouge. Il protège une grande roue rouillée de 45 mètres de haut, donjon irréel qui tourne mollement au gré du vent dans de longs grincements rhumatiques. La scène est raccord avec ce que l’on est venu chercher : ce qu’il reste du seul, unique et très «kusturicien» parc d’attractions de l’ex-RDA, 29 hectares construits en 1969 et abandonnés en 2002 à la suite de rocambolesques péripéties pour la famille qui l’avait racheté en 1991.
Pour le «Kulturpark Plänterwald», renommé «Spreepark», tout avait pourtant commencé comme dans un conte de fées : au sommet de sa gloire, dans les années 80, il attirait jusqu'à 1,7 million de visiteurs par an, occultant le pourtant sehr fun Mémorial soviétique du parc de Treptow voisin. En 1989, réunification, fermeture, redistribution des cartes. Deux ans plus tard, le forain Norbert Witte et sa famille, venus de l'Ouest, le récupèrent en vue, disent-ils, de «l'occidentaliser». Mais Witte, démiurge têtu, pense trop grand alors que la fréquentation commence à plonger. L'Allemagne boude ses attractions ? Hop, il décide que le nouvel eldorado du parc sera au Pérou, où il commence à envoyer c