Menu
Libération
Un Demi-tour du monde

9 288 kilomètres de rails en plein hiver

Article réservé aux abonnés
De Vladivostok à Moscou, 9 288 km de rails en plein hiver pour regagner notre continent. Une plongée dans l’âme russe et de longues heures de contemplation.
par
publié le 18 mars 2014 à 9h48
(mis à jour le 18 mars 2014 à 9h50)

Le transsibérien avale 9 288 km de territoires conquis sur le vide. Le transsibérien, c'est un nombre incommensurable de bouleaux et de pins. Il n'est pas question de distance, que dis-je mais de temps. Ici la relativité prend forme. On ne demande pas «où sommes-nous?» mais «à quel décalage horaire sommes-nous de Moscou?» Pour moi, il fut question de quatre tronçons. Trois jours de Vladivostok à Irkoutsk, puis de petites traversées de quarante heures tout au plus entre Irkoutsk, Krasnoyarsk, Ekaterinburg et Moscou. En hiver, à contre-sens des voyageurs européens et en 3e classe ou «platskart», compartiments ouverts en enfilade.

Les villages sibériens étalent leurs incendies bien avant d’être visibles, fumée perdue dans la steppe. Blanc sur blanc. Cabanes de bois, couleurs vives, vieilles ladas. Rien de neuf sous le ciel infini, pas même ces cheminées, encore et toujours. Etre à une journée d’Irkoutsk ici n’a rien de désuet. On croit entendre les essieux crisser sur la neige et l’on voit chaque congère s’évanouir dans le passé de notre trace. Aux arrêts, les marteaux dégivrent en grand fracas les soubassements du monstre d’acier.

En platskart, les journées se vivent complètement et les matins se ressemblent tous. Souffles paisibles ou agités de ceux que le sommeil vient de prendre. Volutes de chaleur qui décrochent les cristaux de la nuit sur les vitres. Glissements des chaussons vers le samovar. Tasses de verre et de ferronnerie ouvragée au motif de la compag