C’est un paysage de conte fantastique. Figé, majestueux, parfois lugubre. Au crépuscule, le ciel est si bas que les longs nuages gris semblent s’évanouir sur la nuque du visiteur impudique. Sur la rive monténégrine du lac de Skadar, des châtaigniers centenaires ploient sous le poids de leurs fruits. Ils donnent, paraît-il, le miel le plus délicat des Balkans. Au fond du vallon, les cris d’un berger appelant ses bêtes percent le lointain.
Quelques kilomètres en amont, c’était Virpazar. Un village d’une poignée d’âmes, point de départ d’une route époustouflante de 40 kilomètres, faisant la jonction entre les mondes orthodoxe et musulman. Virpazar, où l’odeur de vase étreint tant les demeures ont le menton dans les eaux poissonneuses du lac. Depuis des siècles, ses habitants, des Monténégrins et des Serbes, y pêchent la carpe, la brème et le sandre. On les sert grillés, avec un pain légèrement frit à l’huile d’olive et un vrsac, cépage aux tanins belliqueux.
Pélicans dalmates. Au Monténégro, où le littoral foisonne désormais de projets urbanistiques aussi vulgaires que prétentieux, Virpazar est un sanctuaire naturel. Aux premières lueurs du jour, à condition d'oser embarquer sur l'une de ces barges à la carcasse éreintée, on peut observer les dernières nuées de pélicans dalmates d'Europe. A l'heure de la sieste, ce sont les hérons qui passent pour experts ès pandiculation. Indépendant depuis 2006, le Monténégro est le premier pays à avoir inscrit l'environnement