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Sur la route

Inde, Mouvement-é

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Les chiffres ont-ils une odeur ? Je baptise le 27 janvier d’une question : «Et si je rentrais en France?» Dans le genre, exaspérée...
par Stéphanie Quérité
publié le 5 août 2014 à 18h06

... Marre d’être un morceau de chair du vomi touristique que l’Occident dégueule sur les terres indiennes. Dans le genre, écœurée.

Je ne suis ni une routarde ni une touriste. Je me cherche dans un pays qui ne me trouve pas. Marre de rencontrer les backpackers et d'enclencher le même interrogatoire à chaque nouvelle tête plantée là, sur un pic. Décapitée. Tu viens d'où ? Tu vas où ? T'as vu quoi ? T'étais quoi ? D'accord. Au suivant ? Non. J'ai perdu la curiosité des autres. Dans le genre, irritée.

Il y a bien sûr les locaux, les Indiens, les autochtones. Mais la barrière de la langue est encore trop haute pour être enjambée. Alors, on se contente de faire coucou, de faire des grimaces, de faire les singes.

17 heures, l’heure du départ. Nous coupons notre ancrage à Orchhâ pour nous lancer sans attache. A la dérive, à la merci des prédateurs, aquatiques et mystiques, jusqu’à la prochaine île de sûreté. Je baigne dans un sentiment d’insécurité. Pourquoi ? Je n’ai plus de décision. Quarante-cinq minutes de rickshaw jusqu’à Jhansi. Le froid gicle à l’intérieur du véhicule et le soleil couchant asperge la chaleur des au revoir d’un liquide gluant et anesthésiant. Où vais-je comme ça encore ? Jusqu’à quand ces habitudes ? Comment encore les adaptations, adoptions et séparations ? Je suis fatiguée de ce voyage lâche et rebelle.

Et pourtant, je ne cessais de rire, de moi, de nous, d’eux, d’ici, de là-bas, de tout ce que je ne comprenais pas et n’essayais même plus de comprendre.