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Rebonds

Le touriste, seul étranger désormais désirable?

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Muséification des villes, glorification du passé, apologie de la France éternelle... La politique du tourisme n'est pas neutre.
L'enseigne d'un restaurant du Mont Saint-Michel. (Emmerson Pardo / Flickr)
publié le 22 août 2014 à 18h06
(mis à jour le 28 août 2014 à 9h17)

«Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache, nous sommes cons, mais pas à ce point.» Deleuze citait souvent cette phrase de Mercier et Camier de Samuel Beckett : elle dit bien le mépris dans lequel la plupart des philosophes tiennent le tourisme... Alors que le voyageur cherche à se séparer de son Moi et des lieux qui l'entourent, le touriste, où qu'il se trouve, est sûr de se retrouver égal à lui-même. Plus que l'étrangeté, il goûte le folklore qui le confirme dans ses habitudes. En partant, il sait déjà qu'il va revenir. C'est à peine s'il aura pris le temps de se mouvoir.

Ce genre de critique est devenu suspect depuis que le tourisme a acquis le statut de phénomène de masse. Les sorties contre le «touriste» ont désormais quelque chose du sarcasme adressé à l’homme démocratique pressé de jouir en parcourant le monde à moindre frais. La nostalgie pour l’explorateur d’hier cache mal un mépris pour la démocratisation du voyage. Le rejet du tourisme devient dangereux lorsqu’il débouche sur une apologie du «chez soi» derrière laquelle il n’est pas difficile de repérer une défiance à l’égard des étrangers. Comme si la majeure partie des hommes devait, en plus d’une vie sans relief, être condamnés à la sédentarité.

Une nouvelle critique du tourisme, débarrassée de ces équivoques, est pourtant plus urgente que jamais. Aujourd’hui, la généralisation du tourisme n’est plus seulement le fait des classes moyennes européennes partant à l’assaut du monde : ell