Ce matin, un ours a dévoré la selle de sa moto. Dans la fraîcheur de la forêt boréale, entre les trembles scintillants au vent et les épicéas tendus vers le ciel, Gérard Cruchon hausse les épaules. Il n'en est pas à sa première rencontre avec un grizzly ou un ours brun. Depuis sa cabane en rondins, ce Français a observé nombre de plantigrades à la recherche de nourriture. «Pas de contact inamical jusqu'à présent, mais j'ai déjà usé de mon 44 Magnum. Un coup en l'air, pour les éloigner, cela a suffi», explique-t-il dans un sourire.
Vallées lunaires. Gérard Cruchon a cédé à l'appel de la nature dans les années 80. Il habite au bout d'un long chemin de terre, accessible depuis le kilomètre 29 de la Dempster Highway, la route la plus septentrionale du Canada, dans le territoire du Yukon (nord-ouest du pays). Cette piste en graviers de 736 kilomètres à travers le désert de l'Arctique (la distance entre Paris et Marseille) relie Dawson City à Inuvik, aux abords de la mer de Beaufort. Et emprunter cette route, c'est sentir le souffle du Grand Nord dans d'immenses vallées lunaires où la toundra arctique supplante peu à peu la forêt boréale.
Pour saisir la puissance de cette nature, Gérard Cruchon nous accompagne dans le parc territorial de Tombstone, traversé par la Dempster. Cet espace de 2 200 km2 tire son nom d'une impétueuse chaîne montagneuse de granit brun aux parois abruptes qui culmine ici à 2 193 m. Des monolithes et d