Menu
Libération
Amérique du Sud

Le Maroni, fleuve affranchi

Article réservé aux abonnés
Frontière entre la Guyane française et le Surinam, le cours d’eau, qui par son hostilité avait permis aux Noirs marrons de fuir les esclavagistes dès le XVIIe siècle, rythme aujourd’hui la vie des piroguiers.
(Jake Gordon/ FLickr. Ilustration)
par Hélène Ferrarini, Envoyée spéciale en Guyane française et au Surinam
publié le 14 novembre 2014 à 17h06
(mis à jour le 20 novembre 2014 à 11h55)

La pirogue en bois, lourdement chargée, n’avance plus. A l’arrière, le pilote persiste à faire vrombir son moteur autour duquel jaillissent des gerbes d’eau. Mais la puissance de ses 115 chevaux est vaine. Sur ce mince bras d’eau encerclé de rochers, l’embarcation s’est coincée sur une pierre immergée. Le takariste (le piroguier posté à la proue) est déjà à l’eau, tout le poids de son corps massif appuyé sur le flanc du bateau. L’embarcation immobilisée est rattrapée par trois autres pirogues. A elles quatre, elles forment un convoi transportant des tonnes de panneaux solaires qu’un village amérindien du Haut-Maroni attend depuis plusieurs mois. Les efforts conjugués des marins auront finalement raison de l’obstacle. A la saison sèche, quand l’eau est basse, même les piroguiers les plus experts peuvent se faire avoir dans ce labyrinthe minéral que sont les Abattis Cottica.

Cette partie du Maroni, longue d’une quinzaine de kilomètres, entre les bourgs de Grand-Santi et Papaïchton, en Guyane française, n’est pourtant pas qu’un lieu de prouesse technique pour les routiers du fleuve. Dans ce site classé, surplombé par la montagne Cottica, nature sauvage et histoire s’entremêlent, à l’image du dédale que les rochers imposent au cours d’eau, obligé de se diviser en une multitude de ramifications.

Les lieux portent la mémoire des temps du marronnage, une époque de fuite et de lutte pour la liberté, dont les piroguiers contemporains - les Bushinengués - sont les enfants. Leurs an