Et c'est comme ça qu'on se retrouve avec du sang de poulet sur sa blouse en soie, ultimate expérience tout à fait inattendue. C'est que la blouse en soie n'est pas le dress code idéal pour la Ferme aux crocodiles de Pierrelatte, 20 ans cette année et toujours au fin fond de la Drôme, à la lisière de l'Ardèche, près du site nucléaire du Tricastin. Surtout au moment où on est collé à Florian, 22 ans, l'un des vaillants soigneurs des 1 000 bestiaux présents, une énorme barquette de poulets morts sur l'épaule qu'il balance régulièrement à une population de troncs d'arbre inertes et incroyablement feignasses : «Ah, raté, je prendrai le prochain», semble dire ce croco du Nil qui a laissé filer sur sa droite une carcasse, à 10 cm de sa gueule impressionnante.
Un maousse collègue attrape, lui, un poulet mort dans un claquement de dents digne de Black Water (film d'horreur et d'anthologie australien où un croco géant traque de pauvres gens accrochés à un arbre pendant environ deux heures). «Je lui lance à lui parce qu'il est maigrichon», explique Florian. Maigrichon ? Le truc doit faire dans les 500 kilos, comme ses congénères, mais enfin, c'est Florian qui sait, c'est lui qui s'en occupe, avec ses 22 collègues.
«Harem». Dans leurs bassins, sous les serres où il fait très chaud (d'où l'idée d'aller voir les crocos l'hiver), personne ne bouge. De temps en temps, un frémissement de queue, là un glissement dans l'eau, mais c